Arcelor rejette la responsabilité des magouilles sur Sonolub
Le groupe ArcelorMittal a démenti l'implication de sa filiale Sollac Dunkerque dans un montage présumé entre plusieurs sociétés visant à « blanchir » des déchets toxiques, objet d'une information judiciaire ouverte par le parquet de Dunkerque (voir Déchets toxiques : Arcelor dans le collimateur du parquet). C’est Sonolub (Groupe Veolia) qui serait à l’origine du trafic. Quoi qu’il en soit, juridiquement, l’affaire s’annonce complexe… et le nombre de personnes et/ou sociétés impliquées ne saurait faciliter la tâche du juge chargé de l’affaire.
Les faits incriminés se seraient déroulés pendant plusieurs années. Ils concernent Arcelor Atlantique et Lorraine, Rubis Terminal (entreposage d'hydrocarbures), Agena Tramp (agent maritime) et Sonolub, a précisé le parquet. Pour ceux qui ne la connaissent pas, Sonolub est située au coeur de la zone industrielle de Saint -Aubin les Elbeuf (76) depuis 1947. Filiale de Sarp Industrie et de Sarp Assainissement, appartenant au Groupe Veolia Environnement, elle propose aux industriels et aux collectivités 3 activités principales : le traitement de déchets pétroliers liquides par la valorisation énergétique, le négoce de produits pétroliers et la collecte des huiles usagées.
C'est une enquête interne de la direction régionale des douanes de Dunkerque (bouclée en 2005 et transmise à la justice en juin 2008) qui met en scène ces entreprises ayant pignon sur rue et notamment Arcelor, suspecté d'entrée de jeu par la justice française, d'avoir « dissimulé aux autorités une partie de ses résidus industriels classés dangereux pendant plus de dix ans et s'être enrichi au détriment de l'État ».
C’est pas moi m’sieur !
En réponse à ces allégations, Arcelor rejette la faute sur la Sonolub, la société qui serait à l’initiative de ce manège. Et selon les réactions recueillies auprès des autres sociétés impliquées, Arcelor n'aurait, à première vue, rien à se reprocher.
« Nous n'avons pas eu à ce jour d'incident mettant en cause ArcelorMittal, qui respecte la réglementation » en matière de retraitement des déchets industriels dangereux, nous a indiqué Daniel Soury-Lavergne, directeur général d'ArcelorMittal France.
ArcelorMittal reconnaît avoir travaillé avec la Sonolub pendant la période concernée (1993-2004 selon La Voix du Nord) mais affirme ignorer l'utilisation qu'elle faisait des déchets livrés.
« Soit le fioul est utilisé en interne, comme combustible (...) soit cédé à des entreprises extérieures, elles-mêmes agréées et contrôlées. Le processus de retraitement et de valorisation des déchets par ces entreprises est sous leur responsabilité », ajoute Daniel Soury-Lavergne.
Arcelor explique par ailleurs que la « transformation du fioul domestique en fioul « naphtaliné » fait partie du processus sidérurgique normal », et représente, pour le site de Dunkerque, entre 3 000 et 5 000 tonnes par an. Pas plus.
Egalement mis en cause, le groupe Rubis Terminal assure n'avoir « jamais stocké les produits en question » et que son appontement « a simplement été utilisé pour les transborder », a affirmé un responsable du groupe.
L'agent maritime Agena Tramp a de son côté nié toute responsabilité dans l'analyse du produit transporté alors que la Sonolib n'a pas souhaité réagir dans l'immédiat.
Il faudra démêler les responsabilités de chacun ...
Pour l'heure, aucune mise en examen n'a été prononcée dans cet épineux dossier. Devant le nombre de personnes présumées impliquées à titre moral ou physique et la période qui couvre les faits, l'instruction, qui a fait ses premiers pas en juillet, risque d’avoir à patauger un peu.
Cela étant, des faits de concussions sont passibles en l’état actuel du droit de dix ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. Le droit réprime le fait « pour une personne dépositaire de l'autorité publique de solliciter directement ou indirectement des offres, des promesses ou tout autre avantage pour elle-même ou pour autrui ». Une qualification visant le douanier suspecté d'avoir usé de sa fonction pour proposer des exonérations aux entreprises. S'il n'est pas encore poursuivi et demeure donc présumé innocent, de gros nuages s'accumulent au-dessus de sa tête. Dans le cadre d'une éventuelle mise en examen, l'instruction devra alors déterminer si le fonctionnaire a reçu des contreparties pour avoir « couvert » le trafic.
En sens inverse, la justice présumerait qu'il pourrait y avoir des faits de corruption active et passive. Un délit puni de dix années d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende. Là encore, l'information judiciaire devra démêler les responsabilités de chacun.
Si les faits sont avérés - ce qui reste à démontrer -, qui d'Arcelor, de la Sonolub ou du Rubis Terminal aurait démarché le douanier pour solliciter son silence, voire l'inciter à produire de faux documents ?
Les faux et usages et de faux documents administratifs et en écritures privées retenus, semble-t-il, dans cette affaire, constituent une infraction punie de trois d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.
Restent ensuite les infractions financières et fiscales de transport et d'exportation de déchets toxiques non déclarés, réprimées par le code des douanes.
On ne s’étendra pas sur le respecte du code de l'Environnement : il est dans le cas qui nous occupe, allégrement piétiné.
Lors de l'instruction, qui s'annonce d’ores et déjà fastidieuse, si la justice décide de prononcer des mises en examens à l'encontre d'Arcelor, elle sera confrontée au changement de statut juridique du sidérurgiste : les faits ont débuté en effet, sous Sollac et ont perduré après la fusion avec Arcelor, en 2001. Se posera donc la question des poursuites à titre moral ou physique des personnes impliquées, de 1993 à 2004.