Arcelor : il est temps de remettre les pendules à l'heure
Depuis le lancement de l'opa de Mittal Steel sur Arcelor, nos élites françaises prennent-elles enfin conscience que nous vivons à l'heure de la mondialisation, et que le monde vit de moins en moins à l'heure française ? Cela n'est pas si sûr, si l'on se fie à certaines déclarations de dirigeants y compris du président Jacques Chirac. Il est grand temps de rappeler tout simplement des faits et de faire preuve de bon sens...
Lorsque le président français Jacques Chirac déclare au dernier jour de sa visite d'Etat en Inde qu'il est inquiet de l'opa "purement financière, sans projet industriel" de Mittal sur Arcelor et qu'il justifie ainsi la position des autorités françaises "Nous n'avons rien contre une opération menée par un groupe étranger à l'égard d'un groupe européen mais simplement, nous voudrions savoir quel est le projet", sa position risque fort d'apparaître protectionniste et contradictoire... Qu'elle aurait dû être, il y a quelques semaines la réaction du gouvernement canadien à l'annonce de l'opa hostile d'Arcelor à l'égard de Dofasco qui emploie plus de 7 200 personnes et dont les dirigeants ont toujours indiqué à leurs actionnaires que l'offre de Thyssen était la plus cohérente sur le plan industriel? Et pourtant, c'est bien celle du mieux offrant économiquement , en l'occurrence celle d'Arcelor qui l'a emporté. Autre incohérence, dans les propos de Jacques Chirac, Mittal Steel est un bien un groupe européen puisque la société de contrôle est de droit néerlandais et qu'il est largement implanté en Europe et en France après avoir même récupéré l'aciérie de Gandrange à laquelle Arcelor ne voyait plus d'avenir. Mittal Steel est peut-être même plus européen dans la répartition géographique de ses usines de production qu'Arcelor qui est principalement implanté en France, Belgique, Luxembourg, Espagne.
Sur le fond, gardons bien à l'esprit les récents propos de Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat, qui après avoir reçu le 31 janvier 2006 à sa demande, M. Lakshmi Mittal, président-directeur général de Mittal Steel déclarait : "je considère que cette opération est un coup de tonnerre qui met au pied du mur les responsables politiques et économiques français et européens. Il est donc urgent de prendre conscience de la réalité de la globalisation de l'économie et d'en tirer sans délai les conséquences en termes de réformes structurelles pour rendre le territoire national compétitif et attractif. C'est à cette condition que se créeront des richesses et des emplois. La France ne peut prétendre occuper une place enviable dans le capitalisme sans capitaux : il est urgent de sortir de nos déficits publics. L'épargne des Français doit s'orienter dans l'économie productive et non pas dans les bons du Trésor."
OPA Mittal- Arcelor : les actionnaires décideront
Tout le monde est bien d'accord que la décision finale sur la prise de contrôle par Mittal Steel d'Arcelor reviendra aux actionnaires, et ces derniers décideront en fonction de leurs intérêts économiques. Dans ce cadre, on s'interroge pour le moment sur la capacité des dirigeants d'Arcelor à les convaincre et ceci pour plusieurs raisons:
Le marché de l'acier est mondial et il est en phase de consolidation : Arcelor comme Mittal se développent par croissance externe. Si les dirigeants d'Arcelor remettent en cause la qualité des actifs industriels de Mittal, indiquant que pour leur part, ils ont déjà réalisé la restructuration de leurs actifs à la différence de Mittal, est-il concevable de vouloir occuper une position de leader mondial sans accepter d'avoir des actifs de moindre productivité, et peut-être moins respectueux de l'environnement?. C'est en tout cas à partir de ce positionnement que Mittal a obtenu la capacité financière de lancer l'opa sur Arcelor.
Si le groupe Mittal Steel est devenu le premier producteur d'acier en tonnes en quelques années, c'est qu'il est parvenu à dégager la croissance suffisante pour financer son expansion. Quand bien même, la restructuration des usines qu'il gère n'est pas achevée, il possède la capacité financière pour la mener à bien. Or, s'il veut s'emparer d'Arcelor, c'est bien parce qu'il est conscient que la mariée est belle et complète bien la structure du groupe. Dans ce cas, les déclarations de Guy Dollé ne peuvent que l'encourager à mener à terme son offre.
Des différences stratégiques : depuis plusieurs années, Arcelor privilégie la fabrication de l'acier plat à destination du secteur automobile sans volonté d'intégration verticale à l'égard du minerai de fer ou des ferrailles. Ce n'est pas le cas de Mittal qui est aussi bien producteur d'acier plat que d'acier à destination de la construction, et qui insiste sur l'intégration verticale. Cela lui a été très favorable dans la conjoncture actuelle.
En continuant à refuser le dialogue avec Mittal Steel, Guy Dollé tarde à donner des arguments valables à ses actionnaires sur les raisons pour lesquelles ils ne devraient pas apporter leurs titres à l'opa de Mittal. A ce jour, aucune chevalier blanc ne s'étant déclaré, la marge de manœuvre des dirigeants d'Arcelor est difficile à apprécier. Ils ont déclaré avoir la certitude que Mittal ne l'emportera pas, mais les actionnaires ne sont pas informés de leurs actions pour y parvenir. D'ailleurs, certaines manifestations d'actionnaires commencent à se faire entendre :" Nous jugeons convaincants les avantages industriels et financiers de la transaction, qui dégagerait des synergies et des avantages stratégiques pour tous les participants, dans un secteur qui a besoin de consolidation", explique le président du fonds Atticus,Timothy Barakett, qui gère plus de 10 milliards de dollars d'actifs. Celui-ci d'informer les dirigeants d'Arcelor dans une lettre, de sa détermination à défendre ses intérêts, lors de l'assemblée générale d'Arcelor prévue le 28 avril prochain mais aussi éventuellement devant la justice. Le fonds précise détenir ou être en droit d'acquérir un total de 8,2 millions d'actions Arcelor représentant 1,3% de son capital."Nous détenons aussi des investissements dans plusieurs autres grandes entreprises métallurgiques et minières dans le monde, incluant 0,5% de Mittal Steel" précise Timothy Barakett.