Amiante : condamnation pénale et amende de plus de 1 500 000 euros pour Alstom
Depuis plusieurs années les salariés de l'usine Alstom de Lys-lez-Lannoy, (fabrication de chaudières), fermée depuis avril 2004, et les associations de défense des victimes de l'amiante ont intentée une procédure juridique pour exposition des salariés à l'amiante, et non respect des règles d'hygiène et de sécurité (voir notre précédent rédactionnel). A la fin de l'année dernière, l'affaire avait été renvoyée devant le tribunal correctionnel de Lille pour "mise en danger de la vie d'autrui". Le jugement qui a été rendu le 3 septembre dernier condamne pénalement la société Alstom ainsi que l'ancien dirigeant de la filiale Alstom Power Boilers, et fixe une amende de 10 000 euros pour chaque salarié exposé. C'est la reconnaissance du préjudice lié à l'exposition à l'amiante avant que les maladies se déclarent. Les avocats d'Alstom "en total désaccord" avec le jugement pourraient faire appel...
Dans cette affaire, le groupe Alstom, avait déjà été condamné au civil par les tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) pour faute "inexcusable" en donnant raison aux 150 salariés de l'entreprise regroupés en partie civile. Des anciens salariés avaient alors reçus des indemnités. Selon les représentants du personnel 80 ouvriers avaient déclaré une maladie liée à l'exposition de l'amiante et une dizaine d'entre eux en étaient morts.
Une nouvelle étape juridique a été franchie avec le jugement du tribunal correctionnel de Lille qui condamne pénalement Alstom et l'ex-directeur de la filiale, tout en fixant une lourde amende, supérieure à 1 500 000 €, bien que les maladies n'aient pas été déclarées. C'est la reconnaissance du risque d'exposition.
Comme l'a confié à Libération l'avocat des parties civiles et de l'Andeva (association nationale des victimes de l'amiante), Me Michel Ledoux, c'est une décision qui va renforcer le respect de la réglementation en faveur de la sécurité des personnes et des travailleurs et qui dépasse le cadre de l'amiante : "La mise en danger d'autrui est aujourd'hui sanctionnée. Avant, pour agir, il fallait attendre vingt ans, que les maladies se déclarent. Aujourd'hui, on pourra poursuivre les entreprises dès qu'elles ne respectent pas la législation sur les produits interdits où si elles n'appliquent pas la réglementation. Le message dépasse largement l'amiante, il vise également l'utilisation de produits phytosanitaires, de pesticides ou celle des fibres céramiques qui remplacent l'amiante et dont on sait qu'elles sont également dangereuses."
Dans le cadre des autres instructions juridiques en cours sur les victimes liées à l'amiante (Jussieu, Dunkerque...), il s'agit d'un jugement qui ouvre la reconnaissance d'un nouveau préjudice. En même temps, une fois encore, l'absence de barême pour les tribunaux démontre les limites et la défaillance du système d'indemnisation des victimes. ( voir aussi notre rédactionnel sur le Fiva). C'est ainsi que dans le dernier rapport parlementaire du mois de février dernier concernant l'amiante, on faisait le constat qu'en France "Le drame de l'amiante a révélé que le système de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles est inadapté car injuste et qu'il doit évoluer vers une meilleure indemnisation."