Algues vertes : des déchets possiblement mortels
Cet été, des cadavres de sangliers ont été retrouvés en baie de Morieux (Côtes d'Armor), et ce à plusieurs reprises ; ils ont fait l'objet d'autopsies et d'analyses. Plusieurs hypothèses ont été examinées, notamment l’intoxication par l'hydrogène sulfuré (H2S), émanations d'algues en décomposition dans de la vase. Pour faire la lumière sur cette affaire, l’Ineris a été sollicité par le MEDDTL pour procéder notamment à une campagne de mesures afin d'évaluer les niveaux de concentration en H2S, liés à la fermentation des algues vertes, au sol (sur les dépôts d’algues). Sur son site web, l'Institut a publié hier ses conclusions...
La campagne de l'Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques) s’est déroulée en 2 phases : l’une (du 5 au 6 août derniers) pour caractériser dans différentes zones de la baie les émissions d’hydrogène sulfuré (H2S), liées à la fermentation des algues vertes ; l’autre (du 4 au 11 août derniers) a été réalisée pour évaluer les concentrations en H2S auxquelles les populations riveraines, ou fréquentant la plage de Morieux et la zone de l’estuaire, sont suceptibles d’être exposées.
"Les mesures effectuées à la surface du sol mettent en évidence des dégagements importants de composés soufrés, principalement du H2S, lors du perçage de la croûte des dépôts d’algues : des libérations de gaz se produisent alors, de type 'bouffées instantanées'. Des valeurs de plus de 3 000 mg/m3 ont été relevées. Ces valeurs diminuent au fur et à mesure que l’on s’éloigne du sol : aux points étudiés, les détecteurs, placés à la hauteur de la taille des opérateurs, ont fourni des valeurs de 15 à 140 mg/m3. Dans l’air ambiant, les concentrations les plus élevées ont été relevées dans les zones les plus difficiles d’accès (zones escarpées, vasières). Sur la zone témoin de l’étude (hors des zones de dépôts d’algues), la valeur mesurée est 2,9 μg/m3 (un microgramme, ou µg) = un millième de milligramme, ou mg) ; elle est un peu supérieure à ce qui est généralement observé dans l'air ambiant, en France (0,15 à 0,45 μg/m3). Les concentrations moyennes, sur chacun des points de la zone de mesure, sur l'ensemble de la période étudiée, sont de 5 à 75 fois supérieures à la valeur témoin locale", indique l'Institut.
Concernant les expositions de longue durée à de faibles concentrations (cas des riverains) : les mesures dans l’air ambiant sur une semaine sont représentatives d’une exposition dite "sub-chronique", car la saison d’échouage des algues s’étend principalement de juin à septembre, soit une exposition potentielle d’environ 4 mois. Les valeurs de concentrations en H2S relevées sont inférieures à la valeur de 30 μg/m3 définie par l’ATSDR (Agency for Toxic Substances and Disease Registry du Département de la Santé du gouvernement américain) pour ce type d’exposition. "Sur la base de cette valeur de référence de l’Agence, la situation ne semble pas présenter de risque préoccupant pour la santé. Les effets olfactifs de l’H2S (odeur d'œuf pourri) interviennent à des doses très inférieures à celles entraînant des effets sur la santé, ce qui rend certains scénarios d’exposition à des concentrations élevées ou maximales peu probables. On peut en effet penser que les personnes circulant dans les zones fortement malodorantes ne s’y attardent pas et/ou ne s’approchent pas des zones à risques. Néanmoins il convient d’évoquer ces scénarios", explique l'Ineris.
Pour ce qui est des expositions de courte durée à des concentrations élevées (cas des promeneurs ou randonneurs qui se déplacent sur des zones de dépôts d’algues) : des valeurs de 15 à plus de 140 mg/m3 ont été relevées. Elles se situent à des niveaux pour lesquels des effets ont été observés sur l’Homme, notamment l’anesthésie de l’odorat, au-delà d’une heure d’exposition en continu sur des zones de dépôts d’algues. "Même s’il est peu probable qu’un individu soit exposé aux concentrations maximales des 'bouffées' au niveau du sol ou dans les dépôts d’algues, les concentrations mesurées peuvent atteindre les seuils mortels (2 408 mg/m3 pour une exposition d’une minute). L’hypothèse de la survenue d’un accident ne peut être écartée (enfant jouant dans le sable, chute grave...)", met en garde l'Institut.
Afin d’établir les causes de mortalité de sangliers, ragondins et blaireau retrouvés dans l’estuaire de la rivière Gouessant, 3 hypothèses ont été étudiées : exposition à des cyanobactéries, à des substances toxiques ou à de l’H2S. Les travaux de l’Ineris ont été réalisés à partir des résultats d’analyses transmis par la Préfecture et la Direction Départementale de la Protection des Populations des Côtes d’Armor, ainsi que par le centre ministériel de veille opérationnelle et d'alerte. "D’après l’analyse des différents résultats (niveaux de concentration en H2S dans les différents milieux de la baie, mesure dans les poumons ou le sang et symptômes observés chez les animaux morts), l’hypothèse la plus vraisemblable est l’intoxication par l’H2S. Par ailleurs, il faut souligner qu’à des doses chroniques les perturbations de l’odorat sont un handicap pour la vie animale", précise l'Ineris.
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source : Ineris