Algues : une ressource à exploiter et un déchet à valoriser
Les algues constituent les végétaux les plus anciens et les plus répandus sur la planète jusqu’à aujourd’hui. Elles représentent un groupe important de la flore globale, regroupant environ 10% de toutes les espèces végétales. Principales productrices de plancton et d’oxygène, elles sont à l’origine de la vie aquatique et terrestre. Ce rôle fondamental dans l’écosystème se double d’une capacité de prolifération rapide et d’une productivité importante de la matière première. On distingue couramment les macro-algues, espèces pluricellulaires fixées pour la plupart au fond de l’eau par un thalle (corps végétatif), et les micro-algues, organismes unicellulaires et microscopiques, qui sont des organismes photosynthétiques marins et d’eau douce...
Au niveau mondial, la production de macro-algues atteint 15 millions de tonnes par an, dont 90% en aquaculture. Leur culture a augmenté régulièrement, avec un taux moyen de croissance annuelle de 6% depuis 1998. En 2007, elle a ainsi contribué pour 93% à l’offre totale mondiale de plantes aquatiques, dont près de 70% provenait de la Chine, avec 10,1 millions de tonnes (soit 6,6 milliards d’euros). En comparaison, la production mondiale de micro-algues, dont le nombre d’espèces est estimé entre 200 000 et plusieurs millions, reste faible : de l’ordre de 10 000 tonnes de matière sèche. Cependant, la courbe de croissance de leur production mondiale est exponentielle et représente une valeur marchande globale de plus de 5,8 milliards d’euros. 276 entreprises étaient référencées dans ce domaine à l’échelle mondiale en 2004, un tiers d’entre-elles produisant essentiellement les espèces dominantes : Chlorelle, Spiruline et Dunaliella. Le principal producteur d’algues au niveau mondial est la Chine, mais les Etats-Unis, l’Australie, Israël et l’Europe (en particulier la France) constituent également des zones de production importantes. Dans notre pays, la Bretagne est l'une des premières régions européennes de production des algues marines, avec en moyenne 70 000 tonnes exploitées chaque année (issues majoritairement d’algues sauvages). Les récoltes annuelles de laminaires varient de 40 000 à 60 000 tonnes pour un chiffre d’affaires de l’ordre de 1,7 à 2,7 millions d’euros.
La composition des algues, riche en hydrates de carbone, protéines et acides gras insaturés, les rend intéressantes pour divers secteurs, au point que 2 445 brevets ont été déposés dans le monde entre 2003 et 2009 concernant leur exploitation, notamment dans les secteurs de la chimie "verte" et des agro-matériaux. Dans le domaine de la santé, elles peuvent intervenir dans la fabrication de produits anticoagulants, anti-inflammatoires, antiseptiques, anticancéreux et antistress. Leurs qualités nutritives très riches sont par ailleurs très intéressantes pour l’alimentation animale et humaine ; un tiers des brevets déposés dans le monde depuis 2003 concerne d'ailleurs ce secteur. La cosmétique marine a également le vent en poupe : depuis ces 20 dernières années, les gammes cosmétiques à forte connotation marine ont connu un succès croissant, la meilleure preuve étant la dynamique actuelle du marché des principes actifs marins. D'un point de vue environnemental et énergétique, les algues sont aussi très prometteuses :
elles peuvent servir à la séquestration du carbone, grâce à leur capacité d’absorption de CO2, et ont également des capacités d’absorption des phosphates et des nitrates ;
grâce à leur potentiel d’absorption de CO2, de production rapide de biomasse et leur composition riche en huiles végétales et polysaccharides, les micro-algues sont des ressources prometteuses d’énergie, à travers notamment la production de biocarburant, de biogaz et d’hydrogène (voir notre article).
Attention cependant, ces végétaux marins ne représentent pas qu'une ressource à exploiter ; ils peuvent aussi être synonyme de nuisance à traiter... Depuis une trentaine d’années, certains littoraux, en particulier en Bretagne, souffrent de proliférations massives et saisonnières d’algues vertes, du genre Ulva. En situation normale, le développement des organismes aquatiques (comme les algues) est freiné par la limitation du milieu en éléments nutritifs. De ces éléments, appelés facteurs limitants, le phosphore (en eaux douces) et l’azote (en milieu marin) sont les plus importants. Les activités humaines (agriculture et industrie en particulier) peuvent parfois générer un enrichissement local des eaux par l’afflux de ces éléments nutritifs, qui ne sont alors plus limitants, via les eaux de ruissellement et d’infiltration. C’est le phénomène d’eutrophisation, dont profitent les algues vertes, et qui connaît une augmentation spectaculaire depuis les années 1970. Il débouche sur d’importants dépôts sur les plages, dont la décomposition naturelle dégage de l’hydrogène sulfuré (H2S). La toxicité de ces émanations pour les hommes et les animaux a été reconnue en 2009 par l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques).
En conséquence, la collecte des algues vertes sur les plages est devenue un impératif pour les collectivités touchées, qui en ramassent chaque année jusqu’à 70 000 m3. Un plan de lutte a été mis en place par le Gouvernement français en 2009, pour un montant de 134 millions d’euros sur la période 2010-2014, comprenant une aide au ramassage, une amélioration des capacités de traitement et un plan de réduction des flux de nitrates vers les côtes (voir notre article). Si les algues ainsi collectées constituent une nuisance, elles peuvent aussi faire l’objet d’une valorisation, sous de nombreuses formes (épandage, compostage, méthanisation, alimentation animale, stimulation du métabolisme des plantes, extraction de polysaccharides pour des applications industrielles...), ce qui permet de couvrir une partie des coûts du ramassage et du traitement (voir notre article).