Afrique: les agrocarburants sont trop gourmands
Dans le domaine très controversé des agrocarburants, l'association Les amis de la Terre a publié un rapport intitulé "Afrique: terre(s) de toutes les convoitises" (disponible en Pdf) . Il fait la synthèse de l'ensemble des données et études disponibles sur les achats de terres vouées aux agrocarburants en Afrique. L'étude souhaite avant tout faire le bilan sur un phénomène connu sous les termes "d'accaparement des terres" pour produire des agrocarburants sur le continent africain. L'étude détaille les aspects sociaux et environnementaux du phénomène, mais également les acteurs impliqués dans un marché qui pose problème. En effet, la production est largement tournée vers l'export et dominé par les firmes européennes...
A la base du problème, se trouve la demande croissante d'incorporation d'agrocarburants dans les transports dans le marché...européen. En effet, l'Union européenne s'est par exemple fixée un objectif de 10% d'énergies renouvelables dans les transports d'ici à 2020, dont la majorité devrait être assurée par les agrocarburants. Si elle tient ses objectifs, il va lui falloir exploiter encore plus de terres en Afrique qu'actuellement afin de couvrir ses besoins. En 2007 déjà, une étude de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) dénonçait cette politique et concluait qu'elle pourrait causer une pénurie alimentaire et provoquer la destruction d'habitats naturels.
Un des problèmes est que la plupart des cultures développées aujourd'hui pour les agrocarburants entrent en concurrence directe avec le marché alimentaire (cannes à sucre, sorgho sucrier, maïs, palmier à huile, manioc). Le risque n'est pas seulement la hausse des denrées alimentaires, qui a causé en 2008 une grave crise alimentaire sans précédents dans les pays du Sud, mais des problèmes sociaux et environnementaux. Des cultures alimentaires de base (maïs et manioc) sont également utilisées pour produire des agrocarburants. Les graines de soja, la patate douce, l'arachide de blé, le palmier à huile et le coprah sont utilisées comme des cultures énergétiques en Afrique, et ces produits peuvent servir de base au agrocarburants. Les habitants de ces pays souffrent donc d'un double handicap; ils n'ont plus l'entière contrôle sur leurs terres, et ne bénéficient pas pleinement des retombées économiques et alimentaires de ces cultures.
L'intérêt des acteurs de ce marché est bien entendu financier. Certes la volonté d'être moins dépendant des énergies fossiles est un facteur important, avec à la clé, un marché bien lucratif, dont les gains écologiques sont loin de trouver un consensus. Par ailleurs, quinze Etats dont le Bénin, le Ghana, le Sénégal et le Mali ont signé en juillet 2006 le traité de fondation de l'Association panafricaine des non-producteurs de pétrole (PANPP), qui promeut la production d'agrocarburants. Le marché est donc vigoureux mais peu de pays africains produisent pour leur marché intérieur. A part le Sénégal, le Nigeria et le Mozambique, des pays comme l'Ethiopie, le Ghana, Madagascar et le Mali exportent entièrement leur production. La plupart du temps les terres sont louées, et non pas achetées, à des grandes firmes privées, avec des baux à long terme (pouvant atteindre 99 ans). Mis à part la Chine, les gouvernements étrangers ne sont pas impliqués dans ces cultures. Le rapport conclut sur ces termes: "Même si les compagnies étrangères insistent en paroles sur le besoin de "développement durable", la production d'agrocarburants et la demande en terres entraînent en pratique la perte de pâturage et de forêts, la destruction d'écosystèmes naturels et un accroissement des émissions de gaz à effet de serre".
Pour plus d'information, rendez-vous sur le site Les amis de la Terre. Vous pouvez aussi lire nos articles sur le sujet : Les agrocarburants suscitent encore et toujours la controverse, Biocarburants et agrocarburants: attention à la confusion! et Les agrocarburants carburent-ils pour le climat??