Qu'ils soient salariés du service public ou du secteur privé, le mot d'ordre est lancé : les fédérations CGT des services publics et des transports ont déposé un préavis de grève nationale, le 12 mai, pour tous les agents de la propreté et des déchets. L'union fait la force : cette alliance aura pour vocation de faire prendre conscience de la pénibilité du travail réalisé, avec pour objectif une reconnaissance . Autant dire que les rues risquent d'être encombrées...
C'est une première dans le genre que de voir les éboueurs lancer un appel commun à la grève nationale. Le préavis est déposé pour le 12 mai ; la grève est reconductible jusqu'au 15 mai.
L'amplitude du mouvement se veut extra large : balayeurs, chauffeurs, agents de tri et de traitement des déchets, égoutiers : tous sont invités à débrayer. Soit environ 70 000 salariés opérant partout en France, relevant du secteur public ou du privé.
La reconnaissance de la pénibilité de leur métier est en ligne de mire, avec pour conséquence des départ à la retraite bien plus tôt que pour la plupart des salariés : entre 5 et 10 ans plus tôt, selon les postes. Pour justifier cette revendication, les fédérations CGT rappellent les arguments présentés dans le cadre d'une étude signée par ARSS (Actes de recherche en sciences sociales), laquelle indique « que les professionnels de ces métiers ont en moyenne 17 ans d’espérance de vie en bonne santé de moins que les cadres et administratifs et qu'il ont une espérance de vie de l'ordre de cinq ans et demi inférieure, en moyenne, à celle des cadres administratifs.
Et d'avancer un certain nombre d'arguments afin de justifier la passage à un rythme hebdomadaire de travail de 28 heures : troubles musculo-squelettiques (qui ne sont pas reconnus comme maladie professionnelle au sein de la branche) qui se déclareraient le plus souvent quelques mois après le départ en retraite, troubles respiratoires et autres maladies infectieuses, sans compter les accidents purs et durs parfois suivis d'une amputation... ou d'un décès.
Les fédérations CGT remettent en cause, aussi, la pratique du « fini-parti » (plus vite le travail est effectué, plus tôt on rentre à la maison, ce qui multiplie les risques de manœuvres potentiellement dangereuses), acceptées de manière tacite par de très nombreuses collectivités (sauf Marseille qui l'a bannie, voir notre ancadré), quand bien même elle « use » les personnels physiquement, quand bien même elle permet d'abuser parfois aussi : les délégués syndicaux rappelant que nombreux sont les agents qui font la même tournée de collecte en 35h (contre 39 avant le passage aux 35h), ce qui ne peut pas impacter l'organisme de manière positive...
Et de dénoncer aussi, l'élimination progressive des ripeurs... que ce soit dans le public ou le privé : de deux personnes plus un chauffeur, par camion, on passe régulièrement à une seule accompagnant le chauffeur...
Me Benoît Candon, avocat et défenseur d’associations citoyennes, avait attaqué devant le tribunal administratif ce «fini parti», agissant au titre d'usager, après avoir déposé plainte. Si dans un premier temps, il a été débouté, il a gagné en appel : la cour administrative d’appel a considéré le 25 avril 2014, que le «fini parti», qui fait partie du règlement intérieur adopté en 2007, «aurait dû être soumis au vote des conseillers communautaires» dans la mesure où il «a pour effet de modifier le temps de travail» et a donc jugé cette pratique, illégale. Théoriquement, le «fini parti» permet d’accélérer les cadences des tournées de collecte des ordures, afin de les concentrer sur les heures où le trafic est moins dense dans les villes et d’inciter les personnels à ne pas perdre de temps. Il va sans dire que la médaille a son revers : certains en profitent pour bâcler ces tournées, ramasser partiellement les ordures, ou encore rouler comme s’ils étaient sur un circuit du fomule 1 (alors que la vitesse est limitée à 30km/heure, ndlr). Si certains rentrent à la maison très tôt, d’autres enchaînent sur une deuxième journée de travail. Régulièrement défendu par les élus marseillais pour garantir la paix sociale avec les syndicats, cet avantage a été régulièrement dénoncé par la chambre régionale des comptes parce qu’il s’est peu à peu transformée en privilège avec une prestation ni faite, ni à faire. Dans son dernier rapport sur le sujet, elle calculait que le système avait quasiment réduit de moitié la durée moyenne du temps de travail légal des éboueurs avec une présence journalière moyenne de 3 h 30. De son côté, la Caisse d'assurance-maladie a pointé du doigt cette pratique, considérant qu'elle est source d'accidents plus nombreux du fait de la vitesse exagérée des conducteurs de benne. Pour ce qui concerne spécifiquement la vile de Marseille, les habitants s'élèvent régulièrement contre la saleté de leurs rues qu'ils imputent à la mauvaise qualité du service des éboueurs. « Au final, dénonçe Me Benoît Candon, Marseille paie plus cher pour le ramassage que les autres villes de France pour un résultat plus mauvais ». Selon ses calculs, le surcoût annuel induit, par le fini-parti, serait de 8,6 millions d'euros. |
Autant de disparités qui ont agacé puis énervé, d'où le mouvement national annoncé, avec des revendications clairement affichées visant l'égalité de traitement dans l'univers des déchets (que ce soit pour la retraite, avec avant cela, une revalorisation des salaires), mais pas seulement : on exige un meilleur encadrement des pratiques concernant les collectes des déchets, on prend position en faveur d'une réorientation de la politique de l'Etat qui devrait, selon le syndicat, s'établir davantage sur le principe du pollueur payeur et donc, faire reposer le coût de la collecte et du traitement des déchets d'emballages, sur les émetteurs et non pas tant sur les ménages et on se pose en militant en faveur d'un contrôle plus rigoureux du public, pour tout ce qui touche aux déchets.
Vaste débat en perspective, qui dépasse l'habituelle augmentation de salaire... La grève est annoncée ; elle sera suivie notamment dans les grandes villes.